Surendettement : de la prévention au dispositif de "rétablissement personnel"

Depuis 1990, année où s'est mis en place le dispositif spécifique de traitement du surendettement, la question a pris une dimension sociale et a cessé d'être un problème purement bancaire, lié le plus souvent aux incidents de paiement. Fin 2005, plus de 1,8 million de dossiers ont été déposés devant les commissions de surendettement, dont 84 % ont été déclarés recevables.

Évolution législative

Surendettement actif /
surendettement passif
La loi Neiertz de 1989 avait principalement pour objectif d'apporter une solution aux situations critiques de surendettement relevant d'un comportement de "flambeur" et d'une utilisation non contrôlée du crédit. Au cours des années 90, les commissions vont observer un changement de nature du surendettement, lequel se trouve de plus en plus lié aux accidents de la vie (chômage, divorce, licenciement, etc.). Les associations de consommateurs parlent alors de surendettement "passif" par opposition au surendettement actif dû à une mauvaise gestion budgétaire.
3/4 des dossiers traités devant les commissions relèvent désormais d'une situation d'endettement dit "passif".

La loi initiale du 31.12.89 permettant le traitement du surendettement, dite loi Neiertz, innovait en mettant en place une double procédure de règlement amiable et/ou de redressement judiciaire civil pour les débiteurs de bonne foi. Mais le dispositif a rapidement montré ses limites. Les tribunaux se sont vite trouvés engorgés et confrontés à un changement de nature du surendettement (voir encadré).

Les réformes de 1995 et 1998 ont apporté des améliorations mais elles n'ont pas permis de résoudre convenablement les cas d'endettement les plus lourds.

La loi du 01.08.2003 relative à la ville et à la rénovation urbaine a apporté des modifications substantielles, notamment en créant la procédure juridiciaire dite de "rétablissement personnel". Celle-ci permet au final un effacement total des dettes moyennant une liquidation des biens.

Origine du surendettement
ACTIF
Trop de crédit 14,6 %
Mauvaise gestion 6,4 %
Logement trop onéreux 1,2 %
Excès de charges 1,4 %
Autres 3,5 %
PASSIF
Licenciement / chômage 30,8 %
Séparation / divorce 14,7 %
Maladie / accident 10,8 %
Baisse des ressources 6,2 %
Décès 2,4 %
Autres 8,0 %

Prévention du surendettement

Les associations de consommateurs sont unanimes sur la responsabilité des établissements de crédit sur la question du surendettement. Les prêts sont trop souvent accordés de façon légère à des personnes qui ne disposent pas des revenus suffisants ou simplement bénéficiaires de prestations sociales. En outre, les associations demandent régulièrement que les banques soient plus transparentes au niveau de l'information dispensée au consommateur.

Plusieurs dispositions, communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier, ont été adoptées en ce sens. Elles ont pour objet :

  • l'amélioration de l'information de l'emprunteur et de la caution,
  • la création d'un fichier nationale d'information sur les incidents de paiement en matière de crédit aux particuliers, donnant les moyens aux établissements prêteurs de s'informer sur la situation de l'emprunteur,
  • l'incitation des établissements prêteurs à s'informer sur la solvabilité de la caution,
  • l'augmentation des pouvoirs du juge d'instance,
  • l'interdiction de rémunérer les vendeurs en fonction des taux de crédit qu'ils ont fait souscrire,
  • le renforcement de la réglementation de la publicité.

Récemment, la loi du 28.01.2005, dite "loi Chatel" a introduit des dispositions visant à mieux encadrer le crédit renouvelable (crédit revolving).

 Haut de page

De l'endettement au surendettement

Catégorie socio-professionnelle
des surendettés
Artisans, commerçants, chefs d'entreprise 0,3 %
Cadres, professions intellectuelles supérieures 1,1 %
Professions intermédiaires 2,3 %
Employés 32,6 %
Ouvriers 22,3 %
Retraités 7,4 %
Chômeurs et inactifs 34,0 %

L'insuffisance de ressources ou un événement imprévu grave conduisent souvent un ménage à s'endetter. Or, le recours systématique au crédit pour résoudre une difficulté chronique de gestion du budget peut mener au surendettement.

Mais le fait de devoir plus d'argent que ce que l'on gagne n'est pas une condition suffisante pour parler de surendettement. Avant d'entamer toute saisie d'une commission de surendettement, il est donc nécessaire de procéder à une analyse précise et complète de sa situation financière, en tenant compte de l'ensemble :

  • des revenus perçus : revenus du travail, pensions diverses, revenus sociaux et revenus d'épargne,
  • des biens et avoirs possédés : immeubles, biens meubles, placements à long terme plus ou moins bloqués,
  • et des charges à payer durant l'année : impôts divers, factures de la vie courante (EDF, GDF, téléphone), pensions alimentaires, échéances de prêts, tous crédits confondus.
Revenus nets des surendettés
<= RMI 5,4 %
> RMI et <= SMIC 39,2 %
> SMIC et <= 1 500 € 25,4 %
> 1 500 € et <= 3 050 € 28,5 %
> 3 050 € et <= 4 600 € 1,4 %
> 4 600 € 0,1 %

Si, à l'issue de cette analyse, le constat est une situation difficile, sans pour autant un état de surendettement, il convient de recourir à une solution personnelle : renégociation de certaines échéances, diminution de certaines charges, comme le téléphone ou l'électricité, notamment en optant pour des formules limitant la consommation, diminution du train de vie, ou encore déblocage de certains placements. Si aucune solution ne permet de résoudre les difficultés financières, alors, la saisie d'une commission de surendettement s'impose.

 Haut de page

Comment saisir une commission de surendettement ?

Seule la personne endettée peut saisir une commission de surendettement. Les créanciers ne sont pas autorisés à le faire à sa place et ils ne peuvent pas non plus l'obliger à le faire.

La commission compétente est celle du domicile de l'intéressé. Il existe au moins une commission par département, dont les locaux et le secrétariat sont situés dans une succursale de la Banque de France. C'est auprès de ce secrétariat qu'il faut se procurer un dossier de "déclaration de surendettement". Celui-ci, destiné à saisir officiellement la commission de surendettement, doit :

  • comprendre toutes les informations relatives à l'identité et à la situation familiale et professionnelle,
  • faire l'inventaire détaillé des revenus, produits d'épargne et biens possédés, des charges et des dettes,
  • rassembler les photocopies de tous les documents justificatifs.

Même si la loi ne l'impose pas, il est recommandé d'accompagner le dossier d'une lettre expliquant le contexte familial ou professionnel, les causes de la mauvaise situation financière, les premiers moyens éventuellement mis en oeuvre pour tenter de résoudre le problème, etc. Le recours à un avocat n'est pas nécessaire pour monter ce dossier.

Le dossier doit être envoyé par la poste avec accusé de réception ou déposé directement au secrétariat de la commission.

 Haut de page

Recevabilité de la demande

Qui examine la demande ?

Les commissions de surendettement comprennent :

  • le préfet,
  • un représentant des associations familiales ou de consommateurs,
  • un représentant des banques et organismes de crédit,
  • le trésorier payeur général,
  • le directeur des services fiscaux,
  • le représentant local de la Banque de France, qui assure le secrétariat de la commission.

Pour que la demande du débiteur soit recevable, la commission de surendettement vérifie que celui-ci se trouve effectivement dans une situation de surendettement.

Les principales causes d'irrecevabilité sont :

  • l'absence de réelle situation de surendettement,
  • le caractère professionnel des dettes,
  • et la mauvaise foi du débiteur.

Sur ce dernier point, il est important que le dossier constitué soit le plus complet et le plus sincère possible. Tout élément dissimulé ou non révélé (exemple : possession d'un bien immobilier, non signalement de petits crédits, non déclaration d'une maladie chronique...) peut être considéré comme de la mauvaise foi, ou en tout cas comme un signe de non-coopération dans le règlement du dossier. On peut également être considéré comme de mauvaise foi si, avant de saisir la Commission, on n'a pas réalisé une quelconque opération financière de nature à réduire l'endettement, par exemple, la vente d'une résidence secondaire.

 Haut de page

Examen du dossier : 9 mois de négociations

À compter du dépôt du dossier, et dès lors que celui-ci est déclaré recevable, la commission dispose d'un délai total de 9 mois pour proposer une solution :

  • un plan conventionnel de redressement,
  • des mesures homologuées par le juge,
  • ou l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel.

Durant cette période, afin de dresser l'état d'endettement du débiteur, la commission :

  • peut entendre toute personne utile,
  • bénéficie d'un droit d'information auprès des administrations, établissements de crédit, organismes de sécurité et de prévoyance sociale, services de centralisation des risques et incidents de paiement bancaire,
  • peut enquêter auprès des collectivités locales,
  • faire publier un appel aux créanciers (ceux-ci disposent d'un délai de 30 jours pour contester le passif déclaré par le débiteur et fournir les justificatifs de leur créance).

Au final, la commission se prononce par une décision motivée qui est notifiée au débiteur et aux créanciers par lettre recommandée avec accusé de réception. Un recours peut être exercé, dans un délai de 15 jours à compter de la notification, devant le juge de l'exécution (tribunal de grande instance). La décision du juge n'est pas susceptible d'appel mais peut faire l'objet d'un pourvoi en cour de cassation.

Suspension des procédures en cours

Saisies : les garde-fous
>> Le solde bancaire insaisissable
Le dispositif du solde bancaire insaisissable permet à toute personne faisant l'objet d'une saisie sur son compte de disposer, sur simple demande déposée auprès de sa banque dans les 15 jours suivant la saisie, d’une somme insaisissable égale au RMI, et dans la limite du montant disponible sur ce même compte. ll s'agit d'un forfait d'urgence destiné à faire face aux besoins alimentaires immédiats, qui s'ajoute aux mécanismes existants de protection des sommes insaisissables.
>> Saisie sur salaire
Cette forme de saisie permet de retenir, dans certaines limites, une partie des rémunérations d'un débiteur salarié par son employeur. Toutes les sommes ayant le caractère de salaire sont saisissables (allocation de chômage, indemnités journalières de maladie et de maternité, pensions de retraite, etc.). L'intéressé doit cependant pouvoir disposer d'un minimum vital, égal au RMI, sans majoration pour charges de famille.
>> Sommes insaisissables
Les indemnités et allocations pour charge de famille, les rentes d'accident de travail, les rentes d'invalide de guerre, l'allocation pour adulte handicapé, l'allocation logement. Certaines prestations familiales sont insaisissables sous certaines conditions.

La prise en charge du dossier par une commission de surendettement et les premières tentatives de conciliation peuvent amener les créanciers à poursuivre ou accélerer les procédures d'exécution engagées (saisie immobilière, saisie-vente du mobilier principalement) ou à en engager d'autres. Par conséquent, si la situation l'exige, la commission peut, dès que le dossier est déclaré recevable, demander au juge la suspension de ces procédures. Cette suspension n'est acquise que pour la durée de la mission de la commission, sans pouvoir excéder un an. L'ordonnance de suspension est notifiée aux créanciers et n'est pas susceptible d'appel.

Le minimum restant à vivre égal au RMI

Durant la phase de traitement du dossier et, de toute façon à l'issue, lors de l'élaboration du plan de redressement, la commission doit laisser à l'intéressé un minimum de ressources, afin de faire face aux dépenses de la vie courante, comme le loyer. Le montant de ces ressources, appelées "reste à vivre", est au minimum égal au montant du RMI (soit 433,06 € au 01.01.2006 pour une personne seule et 649,59 € pour un couple).

La loi impose un minimum mais ne donne pas de maximum. Selon une étude de la Banque de France réalisée en 2004, dans 72 % des cas, le "reste à vivre" est compris entre 800 et 1 500 €, soit nettement plus que le minimum légal.

Inscription automatique au FICP

Quelle que soit la solution finale préconisée par la commission de surendettement, le débiteur se trouve automatiquement inscrit au FICP (fichier des incidents de paiement) pour une durée de :

  • 10 ans au maximum (contre 5 ans pour un incident normal) dans le cas d'un plan conventionnel de redressement ou de mesures homologuées,
  • ou 8 ans si une procédure de rétablissement personnel est adoptée.

Dans les deux cas, les incidents de paiement ainsi que les mesures adoptées (plan conventionnel, mesures homologuées ou rétablissement personnel) figurent au fichier.

 Haut de page

Le plan conventionnel de redressement

La solution classique recherchée en premier lieu par la commission de surendettement est l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement.

La commission négocie à l'amiable le report ou le rééchelonnement de dettes vis-à-vis des divers créanciers comme les banques, les organismes de crédit, les propriétaires pour les loyers, les entreprises de services comme EDF, les commerçants ou encore l'administration fiscale. Le fruit de ces négociations peut passer par l'abandon de pénalités, la réduction de taux d'intérêts, la réduction des frais d'huissier, etc. Mais il faut savoir que la commission ne peut rien imposer aux créanciers.

L'objectif de ce plan réside principalement en l'apurement des dettes et la mise sur pied d'un nouvel échéancier de remboursement. L'imputation des paiements en premier lieu sur le capital est privilégiée. C'est à cette fin, que la commission peut demander la vente de certains des biens qui ne sont pas strictement nécessaires à la vie quotidienne et/ou le déblocage d'épargne bloquée (assurance vie, participation dans l'entreprise, etc.). Le plan ne peut toutefois pas aboutir à un effacement total des dettes, ce qui reviendrait dans ce cas à formaliser une procédure de rétablissement personnel (voir plus loin).

Le plan amiable de remboursement des dettes est élaboré pour une durée maximale de 10 ans. Toutes les parties concernées, commission, débiteur et créanciers doivent signer le plan.

Mesures homologuées

Si un plan de remboursement ne peut être mis en place parce qu'aucun accord n'a été trouvé entre le débiteur et les créanciers, la commission peut simplement formaliser des recommandations, lesquelles devront être homologuées par le juge qui leur donnera force exécutoire. Ces mesures peuvent être :

  • l'étalement dans le temps du remboursement des dettes,
  • une suspension du paiement des dettes, qui ne peut toutefois pas excéder 2 ans, suivi d'un éventuel effacement partiel,
  • ou une réduction des taux d'intérêt.

Adoption du plan et homologation par le juge

Dans un délai de 15 jours, et dès lors qu'aucune contestation n'a été formulée par le débiteur ou les créanciers, la commission transmet au juge les mesures recommandées afin qu'il leur donne force exécutoire.

En cas de contestation, le juge peut publier un appel aux créanciers et vérifier la validité et le montant des créances, prescrire toute mesure d'instruction qu'il estime utile, ordonner des mesures de redressement de même nature que celles qui peuvent être proposées par la commission, substituer son plan de redressement à celui proposé par la commission.

Afin d'éviter les contestations purement dilatoires, le juge peut tout de même ordonner l'exécution provisoire d'une ou plusieurs mesures recommandées avant de statuer sur les contestations.

Le débiteur doit respecter le plan adopté

Le débiteur se doit d'exécuter les obligations prévues dans son plan de redressement. Le plan est caduque si une nouvelle mise en demeure formulée par un seul des créanciers est restée infructueuse au bout de 15 jours. Dans ce cas, l'intéressé ne peut plus déposer de nouveau dossier devant la commission de surendettement, sauf s'il justifie de circonstances nouvelles.

 Haut de page

La procédure de rétablissement personnel

Saisine du juge

Inspirée du mécanisme de faillite civile utilisée en Alsace-Moselle, la procédure de rétablissement personnel est conduite par le juge saisi par la commission de surendettement ou par le débiteur lui-même.

La commission propose l'ouverture d'une procédure de rétablissement lorsqu'à l'issue de l'examen de la situation du débiteur il apparaît que ce dernier se trouve "dans une situation irrémédiablement compromise". La commission doit toutefois obtenir l'accord du débiteur pour saisir le juge. En cas d'absence de réponse ou de refus, la commission propose un plan conventionnel de redressement.

Le débiteur peut lui-même demander l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel :

  • à l'occasion des recours pour contester les décisions de la commission,
  • à défaut de réponse de la commission dans un délai de 9 mois à compter du dépôt du dossier de surendettement,
  • en cours d'exécution d'un plan conventionnel de redressement s'il apparaît que sa situation devient irrémédiablement compromise.

    Ouverture de la procédure

Le juge ouvre la procédure s'il estime que le débiteur est de bonne foi.

Le jugement d'ouverture a pour effet de suspendre les saisies en cours. Le juge ou le mandataire qu'il a désigné peut alors :

  • dresser le bilan de la situation économique et sociale du débiteur,
  • vérifier les différentes créances,
  • évaluer les éléments d'actif et de passif de son patrimoine.

À compter de ce jugement, le débiteur ne dispose plus de ses biens, autrement dit, il ne peut les vendre ou les donner sans l'accord du juge ou du mandataire.

Au vu des éléments du dossier et, le cas échéant, du rapport du mandataire, le juge se prononce sur la liquidation judiciaire du patrimoine personnel du débiteur dans un délai de 4 mois. Les biens meublants nécessaires à la vie courante sont exclus de cette liquidation.

Une fois la liquidation prononcée, le juge désigne un liquidateur qui dispose d'un délai de 12 mois pour vendre les biens du débiteur.

L'effacement des dettes du débiteur intervient après la vente de tous ses biens si l'étendue de son patrimoine le permet. En cas d'insuffisance d'actifs, le juge prononce la clôture de la procédure. Cette clôture entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur à l'exception de celles qui ont été réglées par la caution du débiteur.

septembre 2006