Donner congé à son locataire : les règles à respecter

Le bailleur d'un logement locatif soumis à la loi du 6 juillet 1989 (logement loué nu) qui souhaite donner congé à son locataire doit respecter rigoureusement des délais et un certain nombre de formalités.

Respecter un préavis de 6 mois

Contrairement au locataire qui peut quitter à tout moment le logement qu'il occupe, en prévoyant tout de même un préavis de 3 mois (qui peut être réduit à 1 mois dans certaines situations), le bailleur peut donner congé à son locataire :

  • uniquement au terme du bail,
  • en respectant un préavis de 6 mois.

Le préavis court à compter du jour de la réception de la lettre AR par le locataire, de la date de la signification par acte d'huissier de justice si le bailleur opte pour cette voie de communication, ou du jour de la remise en main propre (voir le dernier paragraphe "Comment délivrer le congé").

Le préavis et la "trêve hivernale"

Un bailleur peut donner congé à son locataire, même si la fin du bail arrive pendant la "trêve hivernale". La période courant du 1er novembre au 31 mars, dite de "trêve hivernale", concerne uniquement les procédures d'expulsion qui sont le résultat d'une procédure judiciaire et d'un jugement. Certes, un locataire peut être tenté de résister au congé (valable) du bailleur en profitant de l'opportunité de la période hivernale, mais une fois le jugement obtenu, le bailleur pourra procéder à l'expulsion le jour venu. Les frais de procédure et les dommages et intérêts seront alors à la charge du locataire récalcitrant.

Les 3 motifs possibles du congé

A l'inverse du locataire qui n'a pas de raison à invoquer lorsqu'il entend quitter le logement qu'il occupe, le bailleur doit clairement motiver son congé avec l'un des trois seuls motifs suivants :

  • congé en vue de reprendre le logement pour l'habiter,
  • congé en vue de vendre le logement,
  • congé pour motif légitime et sérieux.

Congé en vue de reprendre le logement pour l'habiter

Le bailleur peut reprendre le logement qu'il a mis en location pour se loger lui-même ou loger un membre de sa famille, à savoir son conjoint, partenaire pacsé ou concubin notoire, ses descendants ou ascendants ou ceux de son conjoint. Le logement devra être occupé à titre de résidence principale.

Sous peine de nullité, le bailleur doit justifier le caractère réel et sérieux de la décision de reprise, notamment le besoin de relogement du bénéficiaire du congé. En outre, il doit préciser les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise.

Une fois le congé délivré dans les formes, la reprise du logement doit bien évidemment être effective. Le locataire peut obtenir réparation du préjudice subi devant les tribunaux s'il apporte la preuve que le logement, par exemple, n'est pas occupé par la personne mentionnée dans le congé, ou qu'il est occupé à titre de résidence secondaire.

Lorsque le caractère frauduleux du congé est avéré, le bailleur encourt des sanctions civiles (dommages et intérêts). Il est également passible d'une amende pénale dont le montant peut atteindre au maximum 6 000 €.

Congé en vue de vendre le logement

Le bailleur peut vendre le logement occupé. Dans ce cas, le contrat de bail continue de courir, au moins jusqu'à son terme, sans incidence particulière pour le locataire. Le nouveau bailleur devra attendre l'échéance du bail, en tenant compte du préavis de 6 mois, pour éventuellement le dénoncer.

Si le bailleur souhaite vendre le logement vide de tout occupant, il peut donner congé à son locataire en invoquant ce motif. Le locataire jouit toutefois d'un droit de préemption. Autrement dit, la délivrance du congé doit obligatoirement être accompagnée d'une offre de vente au profit du locataire. A peine de nullité, les prix et conditions de vente doivent être indiqués au locataire de façon précise. En revanche, le bailleur n'est pas tenu d'ajouter les diagnostics techniques (plomb, amiante, gaz, etc.) et le métrage "loi Carrez", le locataire étant supposé connaître le bien.

Les conditions de l'offre de vente restent valables durant les 2 premiers mois du délai de préavis. Si le locataire refuse expressément l'offre ou s'il ne répond pas dans les 2 mois, celle-ci devient caduque et le congé prend effet au terme du bail. Le locataire est alors déchu de tout titre d'occupation et doit quitter les lieux au terme du bail.

En la matière, les sanctions pour congé frauduleux sont identiques à celles délivrées pour le congé pour habiter : sanctions civiles et sanction pénales pouvant atteindre 6 000 €.

Congé pour motif légitime et sérieux

La loi du 6 juillet 1989 prévoit un cas de congé délivré pour motif légitime et sérieux. Cependant, elle ne définit pas cette notion mais liste un certain nombre d'obligations incombant au locataire (article 7) qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent justifier un congé. Ainsi, le congé peut-il être motivé pour :

  • non-paiement du loyer et des charges,
  • usage non paisible des locaux,
  • dégradations et pertes survenant pendant la durée du contrat,
  • non-exécution des réparations locatives
  • obstacle faits aux travaux d'amélioration ou d'entretien des parties communes ou privatives,
  • transformation des locaux loués à un autre usage,
  • défaut d'assurance.

Cette liste n'est pas exhaustive et dès lors qu'on sort des contours définis par la loi, les motifs sont appréciés au cas par cas devant les tribunaux. Le bailleur doit apporter de nombreuses preuves et constituer un dossier très étayé au risque de voir son congé contesté.

Peut constituer un motif légitime et sérieux...
  • la démolition de l'immeuble dans le cadre d'une opération immobilière,
  • l'état de santé du bailleur exigeant une aide à domicile et donc le logement d'une telle personne,
  • le comportement agressif du locataire, contraire aux obligations de bon voisinage avec les autres occupants de l'immeuble,
  • la persistance du locataire à suspendre du linge aux fenêtres en dépit des injonctions reçues du propriétaire et du conseil syndical,
  • la sous-location du logement malgré une interdiction formelle prévue dans le contrat de bail...

Personnes âgées : locataires protégés

Les locataires âgées jouissent, sous certaines conditions, d'un droit au maintien dans le logement qu'ils occupent. Le bailleur ne peut donc normalement pas congédier son locataire, dès lors que celui-ci :

  • est âgé de plus de 65 ans,
  • et que ses ressources sont inférieures, pour une personne seule, à 23 132 € en Ile-de-France et 20 111 € dans les autres régions (plafonds de ressources au 1er janvier 2016 pour l'attribution des logements locatifs conventionnés).

En théorie, pour cette catégorie de locataire, le bail peut donc se renouveler à l'infini.

Cependant, le congé délivré par le bailleur est néanmoins recevable :

  • lorsqu'il est accompagné d'une proposition de relogement : le logement proposé doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire - taille similaire, loyer raisonnable adapté aux revenus de l'intéressé - et être situé dans un périmètre géographique proche (même arrondissement ou canton, ou arrondissements ou cantons limitrophes, ou, le cas échéant, autre territoire de la commune ou autre commune sans pouvoir être éloigné de plus de 5 kms),
  • ou lorsqu'il est lui-même âgé de plus de 65 ans,
  • ou si ses ressources sont inférieures aux plafonds cités précédemment.

Le plafond de ressources est apprécié à la date de notification du congé. La condition d'âge, tant pour le locataire que pour le bailleur, est appréciée à la date d'échéance du contrat de location.

Le tribunal d'instance du lieu de situation du logement est compétent pour régler les litiges sur les questions de recevabilité des congés. Toute procédure commence normalement par une tentative de conciliation.

Comment délivrer le congé ?

Le congé doit être notifié soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par voie d'huissier. Il peut aussi être remis en main propre contre récépissé ou émargement.

La lettre avec AR présente l'inconvénient de ne jamais faire partir de préavis si le bénéficiaire est absent de son domicile ou s'il ne va jamais chercher la lettre à La Poste. En revanche, le congé par lettre d'huissier fait courir le préavis à partir de la date mentionnée sur l'acte établi par le professionnel. Le locataire est considéré comme l'ayant reçu à cette date, même s'il était absent lors du passage de l'huissier. Le recours à l'huissier de justice engendre des frais de l'ordre de 57 € TTC au minimum, auxquels peuvent s'ajouter des frais de déplacement, des frais spécifiques en cas de difficultés particulières, d'éventuels honoraires de consultation librement fixés entre les parties, etc. Attention ! Compte tenu du nouveau tarif des huissiers de justice qui entrera en vigueur à compter du 1er mai 2016, ces frais ne seront plus réglementés mais librement négociés.

Le congé doit être notifié à tous les locataires, a fortiori lorsqu'il y a colocation. Il en est de même lorsque le locataire est marié ou pacsé. Cependant, si le locataire s'est marié ou pacsé en cours de bail sans que le bailleur en soit informé, le congé délivré au seul signataire du bail est valable.

Un congé qui ne serait pas délivré dans les formes (avoir la capacité pour délivrer le congé, respect du préavis, information de tous les locataires le cas échéant, etc.) est déclaré nul et peut donner lieu à des dommages et intérêts et à la réintégration du locataire irrégulièrement congédié.

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