Déclarer son patrimoine à l'ISF : astuces à connaître, pièges à éviter

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a encore récemment concentré sur lui les feux de l’actualité fiscale. La dernière loi de finances a notamment durci son tarif (retour au barème progressif) et rétabli un mécanisme de plafonnement. À l’approche de la période des déclarations, le redevable de l’ISF doit redoubler d’attention afin de respecter une législation rigoureuse sans renoncer à aucun de ses droits ni à aucun des avantages auxquels il peut prétendre. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui s’interrogent sans doute sur la manière d’évaluer au mieux leur patrimoine taxable ou sur les précautions à prendre. Notre dossier - qui ne prétend pas à l’exhaustivité - est fait pour eux. Concernant l’ISF 2013 :

  • les redevables dont le patrimoine net taxable est compris entre 1 300 000 € et 2 570 000 € doivent porter la valeur brute et la valeur nette de leurs biens directement sur leur déclaration de revenus ; ils n’ont pas à détailler leur patrimoine ;
  • ceux dont le patrimoine net taxable est au moins égal à 2 570 000 € doivent remplir une déclaration spécifique d’ISF.

Maîtriser les décotes applicables à certains immeubles

Déterminer la valeur d’appartements, maisons et autres immeubles est parfois complexe. S’il n’est évidemment pas conseillé de sous-évaluer ses biens, rien n’interdit de jouer sur les décotes.

En principe, les immeubles sont déclarés pour leur valeur vénale (résidence principale mise à part). Il s’agit du prix que le jeu normal de l’offre et de la demande permettrait d’obtenir de la vente du bien, compte tenu notamment de ses particularités physiques, juridiques et économiques. En pratique, il faut trouver des éléments de comparaison avec des biens qui présentent des caractéristiques proches (localisation, superficie, étage, etc.).

Où trouver des termes de comparaison ?

Toute la question est de trouver les termes de comparaison adéquats. Les statistiques publiées par certains organismes (chambre des notaires de Paris, Notaires de France, Fédération nationale de l’immobilier, etc.) peuvent donner des indications précieuses mais doivent être utilisées avec précaution compte tenu de leur caractère général. Il est également possible de demander l’avis d’un agent immobilier ou d’un notaire qui pourra établir une fiche d’expertise sommaire susceptible de servir de justificatif le cas échéant. Les termes de comparaison doivent être antérieurs au 1er janvier de l’année d’imposition. Par exemple, une vente signée en avril 2013 n’est pas un élément de comparaison valable pour évaluer un immeuble pour l’ISF 2013.

Résidence principale

La loi autorise un abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de la résidence principale.

Si le bien est affecté de facteurs de dépréciation, il est possible d’appliquer une décote sur la valeur vénale d’immeubles similaires mais exempts de ces facteurs de dépréciation.

Quelques illustrations :

  • l’immeuble est loué : la mise en location justifie l’application d’une décote dont le montant varie en fonction de la nature et de la durée du bail restant à courir (10 à 20 % en moyenne pour des immeubles d’habitation ; jusqu’à 40 % pour les biens loués sous le régime de la loi de 1948 ;
  • l’immeuble est détenu en indivision. Sa valeur vénale s’en trouve affectée. À ce titre, une décote est autorisée, laquelle peut aller jusqu'à 30 %. Il convient de noter que la valeur vénale de droits indivis est spécifique. Elle n’est pas égale à la fraction de la valeur totale du bien correspondant à la proportion des droits indivis. Autrement dit, 50 % de droits indivis dans un immeuble d’une valeur de 1 000 000 € ne sont pas nécessairement évalués 500 000 € ;
  • l’emplacement de l’immeuble est source de nuisances (sonores, visuelles, etc.). Ainsi, par exemple, la proximité d’une voie à grande circulation justifie-t-elle de réduire la valeur d’un bien de 15 % pour tenir compte de la gêne occasionnée. Attention, le préjudice doit être suffisamment important pour autoriser une décote.

Quand erreurs et oublis peuvent coûter cher…

Deux affaires récentes illustrent le soin qu’il convient d’apporter à la déclaration de son patrimoine (ou du patrimoine de son client), spécialement en matière d’immeubles. Faute de quoi le contribuable risque de subir les foudres de l’administration fiscale…

Dans la première, des époux oublient purement et simplement de déclarer deux biens immobiliers mais portent au passif de leur déclaration d’ISF le montant des emprunts contractés pour acquérir ces immeubles. La cour d’appel de Lyon (arrêt du 19 février 2013) a validé la pénalité de 40 % appliquée par le fisc à raison de cette omission.

Dans la seconde, lors du contrôle des déclarations d’ISF déposées au titre de plusieurs années par une veuve propriétaire d’une dizaine d’immeubles, l’administration fiscale constate que la plupart de ceux-ci sont déclarés à valeur constante malgré la hausse notoire du marché immobilier local. Pour sa défense, la veuve invoque, en vain, qu’en raison de son grand âge elle n’est plus au fait de la valorisation de ses immeubles. Or, ses déclarations de revenus fonciers révèlent qu’elle les gère au mieux de ses intérêts : les loyers des immeubles loués progressent normalement et ne sont pas déconnectés du marché immobilier local. Le fisc, approuvé par les juges, sanctionne la veuve par l’application de la majoration de 40 % (cour d'appel de Chambéry du 12 février 2013).

Les contribuables doivent être particulièrement vigilants. Ils ne doivent omettre aucun bien et veiller à conserver les documents qui ont servi à établir l’évaluation (annonces immobilières, fiches d’expertise, par exemple). Ils leur seront utiles en cas de contrôle de l’administration.

L’éternelle problématique de l’évaluation des titres de sociétés non cotées

Les titres de sociétés non cotées en bourse doivent être déclarés pour leur valeur vénale. Mais attention au choix de la méthode d’évaluation ! La valeur vénale doit en principe et par priorité être déterminée selon la méthode par comparaison. Les autres systèmes d’évaluation (combinant en général plusieurs critères tels que la valeur de rendement, la valeur mathématique, etc.) ne peuvent être utilisés qu’à titre subsidiaire.

Participation minoritaire

En cas de participation minoritaire dans la société, une décote peut être pratiquée pour tenir compte de l’absence d’influence dans la gestion de la société. Une décision a admis une décote de 20 % à ce titre (Cour de cassation, 23/11/2010).

En pratique, pour évaluer des titres non cotés, il convient de commencer par rechercher s’il existe des transactions récentes sur les titres de la même société. Il en sera sûrement ainsi lorsque la société comporte de nombreux associés. Mais une seule transaction "irréprochable" (c’est-à-dire sans collusion entre acheteur et vendeur) suffit. A défaut, il faudra recourir à une combinaison de plusieurs autres méthodes d’évaluation.

Sachez qu'un guide d'évaluation des entreprises et des titres de sociétés publié par l'administration fiscale est disponible sur le site Internet www.impots.gouv.fr, mais il n'est pas à l'abri de tout reproche, notamment en ce qu'il ignore la prééminence de la méthode par comparaison.

Mentionner un compte courant d’associé même s’il ne vaut rien

Les comptes courants d'associé non bloqués doivent être déclarés à l'ISF pour leur montant nominal. Par exception, lorsqu'un tel compte est détenu dans une société en difficulté, il peut être déclaré à sa valeur probable de recouvrement, compte tenu de la situation financière de la société. Bien entendu, pour pouvoir déclarer son compte courant à une valeur très inférieure à sa valeur nominale, les difficultés financières de la société doivent être réelles.

Lorsqu’un contribuable détient un compte courant dans une société qui rencontre des difficultés financières telles qu’il estime que son compte courant est irrécouvrable, il a tout intérêt à mentionner ce compte pour une valeur de zéro dans sa déclaration d’ISF (si le contribuable déclare la valeur de son patrimoine sur sa déclaration de revenus, ce conseil ne lui est pas applicable mais il peut s’avérer utile au cas où l’administration fiscale lui demanderait des explications). A défaut, c’est l’administration qui en fixera la valeur au moyen des éléments comptables dont elle dispose. Il appartiendra alors au contribuable de contester l’évaluation retenue. Au contraire, s’il a déclaré son compte courant pour zéro, c’est l’administration qui doit prouver que l’évaluation retenue est insuffisante compte tenu de la probabilité de remboursement.
Enfin, en déclarant son compte courant pour zéro, le contribuable bénéficie de la prescription abrégée. Autrement dit, l’administration ne peut le contrôler et procéder à des redressements que pendant une durée de quatre ans à compter du 1er janvier de l’année d’imposition. S’il ne déclare pas son compte courant, l’administration dispose d’un délai de sept ans pour exercer son contrôle.

Le piège des contrats d’assurance-vie temporairement non rachetables

Les contrats d’assurance-vie en euros diversifiés (hybrides entre contrats en unités de compte et contrats en euros) présentent entre autres caractéristiques celle de pouvoir prévoir qu’ils ne sont pas rachetables pendant une certaine durée (10 ans au maximum). Ils ont été commercialisés par les assureurs comme des produits non imposables à l’ISF pendant la période de non-rachat. Hélas, pour l’administration fiscale, récemment approuvée par le Conseil d’Etat, cette indisponibilité temporaire n'a pas pour effet de rendre ce type de contrat non imposable à l'ISF.

Dans le même ordre d’idées, un contrat d’assurance-vie rachetable donné en garantie d’un emprunt à un créancier conserve son caractère rachetable, de sorte que sa valeur est taxable à l'ISF.

Déduire les sommes perçues en réparation de dommages corporels

Les sommes perçues à titre de réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie sont exonérées d’ISF. Pour donner son plein effet à cette exonération, il faut penser à déduire le montant des arrérages perçus depuis le début du service de la rente ou l’indemnité en capital reçue. Ces montants sont actualisés par application des coefficients d’érosion monétaire résultant de la variation des prix à la consommation. Il convient de noter que ces dispositions s'appliquent aussi à la pension militaire d'invalidité.

Optimiser les réductions d’impôts

L'investissement au capital de certaines PME non cotées permet à un contribuable de bénéficier :

  • soit d’une réduction d’ISF égale à 50 % du montant des versements effectués dans la limite de 45 000 € par an,
  • soit d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 18 % des versements.

Les deux réductions d’impôt n’étant pas cumulables, il faut choisir d’affecter le montant de l’investissement à l’un ou à l’autre des dispositifs. Compte tenu des écarts de taux entre les deux mécanismes, le contribuable a en principe intérêt à appliquer par priorité la réduction d’ISF (50 % de réduction pour l'ISF, contre 18 % pour l'IR). Sans oublier que les titres de PME ainsi acquis sont exonérés d'ISF. Prenons l'exemple d'un couple qui investit en avril 2013 60 000 € au capital d'une PME : il bénéficie en 2013 d'une réduction d’ISF de 30 000 € et réduit son patrimoine imposable de 60 000 € (des liquidités taxables ont été "transformées" en titres exonérés).

ISF 2013 : gagnant ou perdant ?

Selon Bercy, compte tenu du retour au barème progressif pour le calcul de l’ISF en 2013, 209 087 contribuables seront perdants par rapport à l’ISF 2012 et 48 019 seront gagnants. Un contribuable disposant d’un patrimoine taxable de 1 500 000 € verra son ISF augmenter d’environ 3,9 % en 2013 par rapport à 2012 (3 900 € en 2013 au lieu de 3 750 € en 2012 hors contribution exceptionnelle). Pour un couple ayant un patrimoine taxable de 5 200 000 €, l’ISF 2013 s’établit à 38 190 € au lieu de 26 000 € en 2012 hors contribution exceptionnelle, soit une augmentation de près de 32 %.

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